Cartes de l’exposition « Quand les artistes dessinaient les cartes »

Les cartes listées ci-dessous ont été présentées lors de l’exposition organisée par les Archives nationales du 25 septembre 2019 au 6 janvier 2020. Cette sélection de cartes a été commentée par une guide-conférencière lors d’une visite organisée par l’Association généalogique de Franconville-la-Garenne (AGFG) le 30 novembre 2019. Chaque carte est accompagnée de la retranscription exacte des légendes exposées à l’hôtel de Soubise.

Une présentation de l’exposition est disponible sur le site des Archives nationales.

Carte de localisation des sites représentés dans l’exposition

(les chiffres renvoient aux numéros des documents exposés)

4. Figure accordée de la seigneurie de Fleurigny (Yonne)

par le peintre François Dubois 1530

Parchemin, dessin et lavis de couleur

Paris, Archives nationales, CP/N/I/Yonne/11

Cette figure spectaculaire est un autre exemple de carte judiciaire, réalisée cette fois pour un procès au Parlement de Paris, la plus haute cour de justice du royaume. Il opposait le seigneur de Fleurigny à la commanderie hospitalière de Launay. La figure a été « accordée » par les parties (voir sur la bordure droite), c’est-à-dire reconnue comme exacte et valable en justice. Les annotations signalent les villages, chemins, gibets, bornes etc. et les lieux disputés. Les traits bleus et rouges restituent le parcours suivi par les acteurs du procès lors de la visite des lieux contentieux (appelée « montrée »).

8. Figure du Moulin du roy à Carcassonne

1462

Papier, plume, encre brune, aquarelle

Paris, Bibliothèque nationale de France, Cabinet des estampes, H11851-852 [RESERVE B-7-Ft 5], fonds Gaignières 5074

Cette figure fut réalisée pour des travaux de réparation et d’aménagement sur le moulin qui figure au centre du dessin, alimenté par les eaux de l’Aude et qui, comme son nom l’indique, appartenait au roi. Ville haute et ville basse sont représentées avec nombre de détails, d’une façon qui paraît fiable – il ne semble pas que Viollet-le-Duc ait utilisé cette image pour ses travaux de restauration de la ville au XIXe siècle, mais il y aurait trouvé un intérêt certain. En bas à droite, a été collé à une date postérieure le rapport d’une inspection pour travaux.

62. « Argentoratum » (Strasbourg)

par Conrad Morant 1548. Copie, réalisée par A. Cammissar [1900], de l’original (gravure sur bois) conservé au Germanisches Museum de Nuremberg

Papier, couleur

Strasbourg, Archives municipales, 1 PL 1

Conrad Morant, Strasbourgeois mais originaire de Bâle, était dessinateur et graveur sur bois et cuivre. Il semble avoir été un spécialiste du genre des vues imprimées de villes et de paysages urbains, dont le plus remarquable est ce plan de Strasbourg (vu ici en copie de 1900). La ville est observée depuis la tour nord de la cathédrale Notre-Dame. À partir de cette position centrale surélevée, Morant a construit une représentation de la ville selon un angle de vision à 360°. C’est ce que l’on appelle une perspective en « œil de poisson » ou centrifuge.

14. « La ville et chasteau de Molins » dans l’Armorial d’Auvergne, Bourbonnois et Forests

de Guillaume Revel vers 1440-1450

Registre, parchemin, encre et couleurs

Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 22297, fol. 369

Cette vue de Moulins fait partie de la centaine de vues que renferme l’armorial (recueil d’armoiries) de Guillaume Revel, héraut d’armes de Charles Ier, duc de Bourbon. Bien que n’étant pas exactement une carte, elle offre une évocation précise de la configuration de la ville depuis la rive gauche de l’Allier, de sorte que l’on voit le côté ouest du palais ducal. Le dessinateur a représenté le site à partir d’une position aérienne hypothétique qui révèle les jardins et les champs autour des fortifications, bien que ces éléments ne puissent pas être vus d’un seul coup en réalité.

12. Figure du siège de Péronne (Somme)

1536 ou après

Parchemin, dessiné à l’encre et couleurs

Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève […]

Cette figure représente le siège de Péronne par les soldats de l’Empire, entre le 10 août et le 11 septembre 1536. La ville est dessinée selon la méthode du plan d’implantation du sol, et les alentours comme vus à vol d’oiseau. Ces deux perspectives mettent en valeur les rues et les fortifications de la ville, ainsi que les canons qui entouraient la ville et les camps des armées. Il est possible que le plan ait été produit dans le cadre d’un renforcement de la frontière, juste après un siège qui montra ses faiblesses et l’urgence des travaux à entreprendre.

25. Figure du cours de l’Aa entre Wizernes et Saint-Omer (Pas-de-Calais)

par Olivier Bissot et Pierre Pol 1459

Papier, dessin à la plume et gouache

Saint-Omer, Bibliothèque d’agglomération du Pays de Saint-Omer, ms. 1489

Cette figure, remarquable par sa dimension et sa qualité d’exécution, est l’œuvre d’Olivier Bissot, tailleur d’images, et de Pierre Pol, peintre, tous deux très actifs à Saint-Omer. Sollicités dans le cadre d’un procès entre la ville et l’abbaye de Clairmarais à propos de leurs droits de juridiction sur le fleuve, les deux artistes furent rémunérés 100 sous pour avoir « peint au vif » le cours de la rivière et les « moulins, églises, forteresses et chemins » voisins. L’affaire avait été déclenchée par la noyade d’un enfant de six ans dont le corps est dessiné au centre du document, gisant dans la rivière à côté du moulin à eau.

28. Figure accordée de Faremoutiers et Pommeuse (Seine-et-Marne)

par Gauthier de Campes 1526

12 peaux de parchemin assemblées, couleur

Dammarie-les-Lys, Archives départementales de Seine-et-Marne, H 465

Cette figure est la seule œuvre conservée qui soit formellement attribuable au peintre parisien Gauthier de Campes (1468-1530/1535). Connu pour être l’auteur d’un portrait de l’humaniste Robert Gaguin mais aussi de patrons de tapisseries et de vitraux, c’était un peintre renommé. C’est donc un artiste confirmé qui fut ici recruté en tant que « peintre accordé par les parties » pour dresser la figure judiciaire des limites entre les seigneuries de Faremoutiers et de Pommeuse. Au bas, se trouve l’accord de la figure, daté du 26-27 décembre 1526.

36. « La Ville, Cité et Université de Paris », dit « plan de Bâle »

dessiné par Germain Hoyau et gravé par Olivier Truschet, [1553]

Fac-similé, Bâle, Seefeld, [1980]

Papier, procédé photomécanique, couleur, 2 feuilles assemblées, échelle [1/7 000]

Paris, Bibliothèque historique de la ville de Paris, GR A 70

Ce fac-similé reproduit un plan existant en un seul exemplaire, découvert en 1874 à la bibliothèque de l’Université de Bâle (Suisse). L’original est un bois gravé, en huit feuilles assemblées. Daté d’environ 1553, c’est le plus ancien plan gravé autonome conservé pour Paris. Sans échelle ni coordonnées, il est orienté à l’est : la Seine y coule donc de haut en bas. Bâti et paysage sont figurés de manière très précieuse mais non proportionnelle. On peut y distinguer des personnages ou des animaux.

50. Figure de la Veyle (Ain)

1548

Encre et lavis sur papier

Mâcon, Archives municipales, DD 7 25

Cette carte a été confectionnée pour résoudre un conflit de droit de pâturage dans la Bresse. Elle représente la région qui s’étend le long de la rivière de Veyle, entre Saint-Jean-sur-Veyle et la Saône. Les habitants de Macôn s’opposaient à ceux de Pont-de-Veyle et de Griège pour savoir lequel des deux bras de la rivière était le principal, ou la « mère rivière » qui délimitait ces droits : les Bressans prétendaient que celle-ci se jetait dans la Saône au lieu appelé le port d’Encombre, tandis que les Mâconnais la désignaient comme passant au port du bief ou de By.

51. Copie de la figure de la Veyle (Ain)

1548

Encre sur papier

Mâcon, Archives municipales, DD 7 26

Conservée avec la carte précédente, cette figure offre un témoignage rare sur la façon dont les figures judiciaires étaient préparées. On pourrait penser que le dessin à l’encre est le croquis préparatoire, et la version peinte, le résultat. Mais en fait c’est le contraire : une annotation sur ce dernier l’identifie comme copie, datée du 1er septembre 1548, de la version peinte. Le procès-verbal relate que les deux parties furent requises de faire figures accordées, mais ici il semble plutôt qu’une des parties a commandé la carte, tandis que l’autre en faisait la copie.

53. Figure du terroir et dîmage de Chaunoy près de Champeaux (Seine-et-Marne)

[vers 1538 ?]

Parchemin, couleur

Paris, Archives nationales, CP//L//898, n° 52, 4

Au centre de la figure est représenté le hameau de Chaunoy, objet du litige. La pièce appartient au groupe des figures faites par des lettrés. L’auteur a construit sa représentation en mêlant plan et dessin : les chemins et les cours d’eau forment la trame de fond de la représentation, tandis que les édifices et la végétation sont figurés en élévation, sans commune proportion avec l’espace représenté.

58. Figure accordée de la vallée de l’Ouche (Côte-d’Or)

1571

Papier collé sur toile, encre et couleur

Dijon, Archives municipales, C 25

L’auteur de cette figure judiciaire est inconnu, mais il est possible qu’elle ait été copiée sur une carte antérieure, confectionnée par le peintre Jean II Dorrain. Pour montrer les deux versants de la vallée, le cartographe a adopté la méthode du renversement de plan, qui revient à représenter un versant à l’envers de l’autre, en vis-à-vis de part et d’autre de la rivière. Ce jeu de perspective permettait au peintre de figurer chaque versant de face, sous forme panoramique et n’était pas gênant puisque les figures étaient regardées posées à plat sur une table. L’accord avec signatures est daté du 26 juillet 1571.

85. Figure de la baronnie de Sévérac-le-Château (Aveyron)

1504

Parchemin, couleur

Rodez, Archives départementales de l’Aveyron, 1 J 3018

Les figures judiciaires n’avaient pas toujours pour objet des querelles foncières. Celle-ci est liée à un long procès entre villes et campagnes du Rouergue sur la répartition de l’impôt royal du fouage, qui pesait sur les feux (ou foyers). Recensant les feux et les lieux de cette baronnie comme autant de richesses, elle offre un éclairage particulièrement original sur la question de la justesse du prélèvement fiscal.

86 à 89. Quatre figures du couvent des Cordelières Saint-Marcel à Paris

[1538-1543]

Parchemin, couleur

Paris, Archives nationales, CP/S//4683, plans 1 à 4

Les plans ont été dressés à l’occasion d’un procès porté au Parlement entre le couvent des Cordelières Saint-Marcel et la célèbre famille de teinturiers Gobelin, au sujet d’une porte pour aller au moulin de Croulebarbe et qui était voisine des jardins des religieuses. Les quatre figures représentent les mêmes lieux, mais vus à des moments différents (avant et après travaux d’aménagement) et selon des angles distincts. Certaines semblent aussi défendre la position d’une partie contre l’autre, comme sur le n°86, où le long texte inscrit en marge défend les droits des Gobelin contre ceux du couvent. Ces quatre plans correspondent donc à différentes phases de la procédure, mais aussi à une sorte de bataille de figures entre les parties.

103. « La deuxiesme Garde De La Forest De Longbouel » (Seine-Maritime)

1566

Registre, parchemin, gouache et rehauts dorés

Paris, Archives nationales, AE/II/676, fol. 23v

Ce plan offre la représentation de l’une des trois sections de la forêt royale de Longboël, située près de Rouen. Il fait partie d’un volumineux registre contenant le procès-verbal d’arpentage de cette forêt, réalisé en 1566 pour Charles IX. Pour chacune des parcelles de forêt, figure l’indication de sa surface, en arpents, et de sa nature (« D. F. B. » : demi-futaie bonne ; « I. T. M. P. » : jeune taillis mal planté ; « P. V. » : place vide, etc.).